Passer le message
Les applis comme Messenger Kids de FacebookMD risquent-elles de donner aux parents un faux sentiment de sécurité?
Si vous avez des enfants à l’école primaire, vous avez peut-être déjà subi un plaidoyer pour l’obtention d’un téléphone ou d’un compte dans les médias sociaux. La question de savoir quand et comment les enfants devraient commencer à utiliser des produits numériques fait l’objet de vifs débats, alimentés récemment par le lancement de Messenger Kids, la première application Facebook d’appel vidéo et de messagerie destinée aux enfants de moins de 13 ans. Si cette appli est vantée comme étant une solution amusante et sécuritaire pour les enfants, elle n’échappe pas à tous les risques associés aux plateformes conventionnelles et elle exige tout de même que les parents se soucient de ce que leurs enfants font en ligne.
De quoi s’agit-il?
En décembre 2017, Facebook a lancé une version préliminaire de Messenger Kids aux États-Unis (aucune date de lancement au Canada n’est encore annoncée). Ciblant les enfants de 6 à 12 ans, l’appli leur permet de texter, d’envoyer des photos et de communiquer en vidéo, uniquement avec des contacts approuvés par les parents. Si deux enfants veulent engager la conversation, leurs parents à tous deux doivent donner leur approbation, comme s’il s’agissait d’un rendez-vous pour jouer ensemble. Les parents contrôlent le compte et les contacts de leur enfant sur le tableau de bord Messenger Kids, accessible par leur appli Facebook principale.
De plus, Messenger Kids ne comporte ni publicité ni achat direct; selon Facebook, l’appli est conçue pour être conforme à la Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA), une loi américaine qui réglemente la collecte en ligne de renseignements personnels sur des enfants de moins de 13 ans.
Le danger des contacts en ligne
La plupart des parents ne penseraient jamais à laisser leur enfant de 6 ans se promener seul au centre commercial. Ils vont plutôt l’accompagner, parce qu’il a besoin de surveillance parentale pour sa sécurité. Si votre enfant a quelques années de plus, vous l’autoriserez peut-être à magasiner quelque temps sans vous, mais vous voudrez probablement savoir dans quels magasins et avec qui, et vous conviendrez d’une heure pour vous rejoindre. Tous ces aspects de la sécurité s’appliquent aux appareils numériques et à l’utilisation des applis de messagerie : la communication, la supervision et l’orientation sont des nécessités de la sécurité en ligne des enfants.
Certes, Messenger Kids est conçu pour limiter les problèmes qui tendent à contaminer la plateforme conventionnelle, comme le fait d’accepter de clavarder avec une personne que l’enfant ne connaît pas personnellement, mais les parents doivent être sensibles aux préoccupations qui entourent l’utilisation d’une appli de messagerie par des enfants. En effet, Internet est un lieu public au même titre que le centre commercial :
- Bien qu’amusante, cette forme de communication abolit certaines limites sociales réputées normales dans une interaction en personne. Sans ces limites, il est plus facile de franchir les frontières personnelles et de le faire plus tôt, d’où le potentiel que des propos blessants, de l’information inappropriée ou des détails intimes soient communiqués dans cet espace public.
- Une fois qu’un message est envoyé, on en perd le contrôle. Les renseignements personnels (y compris les photos et les vidéos) peuvent facilement être enregistrés, utilisés à mauvais escient ou transmis à des tiers.
- Le contenu partagé au moyen de la caméra d’un appareil sur une plateforme de diffusion continue ou de vidéo en direct peut être enregistré à l’insu de l’enfant.
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Le fait d’autoriser un enfant à engager des conversations en ligne normalise ce type de communication; par la suite, en passant à d’autres applis et forums, l’enfant converse avec une aisance accrue avec des interlocuteurs qui ne sont pas tous des contacts approuvés. Nous enseignons souvent à nos enfants l’équation « Étranger = Danger », mais cette stratégie de sécurité risque de perdre de son efficacité si l’enfant a tendance à ne pas considérer ses interlocuteurs en ligne comme des étrangers, parce qu’ils sont « gentils » et « pas épeurants ». En ligne, un étranger peut devenir très vite l’« ami » d’un enfant même sans l’avoir jamais rencontré hors ligne, ce qui accroît le risque que l’enfant partage des photos, des vidéos ou des renseignements personnels.
Pour les parents, il est efficace d’avoir régulièrement des conversations avec leur enfant sur la sécurité personnelle en ligne. Discutez-en de la même façon que vous parleriez de la sécurité au centre commercial.
Autre point à souligner : même un contact approuvé pourrait se servir de cette plateforme pour amorcer des interactions inappropriées avec votre enfant.
Conseils pour les parents
Quelle que soit l’appli, les parents et leurs enfants doivent discuter de l’utilisation des appareils numériques et des règles qui s’y appliquent. Voici quelques points à aborder dans vos conversations :
- Apprenez à votre enfant à vous consulter avant de clavarder ou de texter avec qui que ce soit. À cet âge, les activités en ligne doivent toujours se faire sous la supervision d’un parent ou d’un adulte de confiance.
- Établissez ensemble les limites de ce que votre enfant peut enregistrer et partager en ligne. Mettez en balance les raisons de diffuser un contenu et les risques que ce contenu serve à embarrasser quelqu’un ou à lui nuire.
- Fixez des limites pour le temps passé en ligne par votre enfant et, surtout, appliquez-les.
- Les comportements sexualisés et la communication d’images intimes sur les applis de diffusion continue ou de vidéo en direct se produisent souvent dans un espace privé. Établissez donc des restrictions d’utilisation dans des pièces comme la chambre à coucher ou la salle de bain.
- Dites à vos enfants que si, pendant une interaction en ligne, quelque chose ou quelqu’un les met mal à l’aise, ils peuvent vous en parler sans craindre de subir des représailles ou de perdre leurs privilèges d’utilisation.
- Expliquez à vos enfants que si une personne les incite à lui envoyer une photo ou à faire des choses inappropriées ou « bizarres » en ligne, il faut arrêter de lui parler et avertir un adulte de confiance.
N’oubliez pas qu’aucun filtre ni contrôle de sécurité ne peut remplacer la supervision parentale.