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Vos enfants et la porno

Mieux vaut aborder le sujet plus tôt que tard. Voici comment.

Voyons les choses en face : si vos enfants vont sur Internet, ils voient de la pornographie. De fait, précise Noni Classen, directrice de l’éducation au Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE), les enfants sont vraisemblablement exposés à ce genre de contenu dès l’âge de 8 à 10 ans.

« Ils en savent plus que vous le croyez, affirme-t-elle, d’où l’importance d’aborder la pornographie avec eux en bas âge. »

Plus facile à dire qu’à faire, n’est-ce pas? Parler de sexe est peut-être la dernière chose dont vous ou votre enfant avez envie. Mais si vous abordez le sujet sans jugement et sous un angle pédagogique, explique Noni Classen, il vous sera alors plus facile d’expliquer POURQUOI la pornographie est un problème et ce que vos enfants peuvent faire pour assurer leur sécurité et leur bien-être.

Attachez vos tuques, on plonge!

Si vous relevez la présence de sites XXX dans l’historique de navigation de votre enfant, gardez-vous de le bombarder de questions, d’accusations ou de sanctions. Selon Noni Classen, il y a deux raisons possibles pour expliquer cette situation :

  1. Votre enfant est arrivé là par accident. En quelques clics malencontreux, un enfant peut facilement tomber sur de la pornographie.
  2. Votre enfant cherchait à en voir. C’est peut-être alarmant, mais c’est normal d’un point de vue développemental.

Les enfants sont curieux, explique la Dre Åsa Kastbom, pédopsychiatre à l’hôpital universitaire de Linköping, en Suède. « Bien sûr qu’ils veulent voir des personnes nues; ils veulent savoir comment on fait l’amour, comment on fait des enfants. Ils ont une curiosité à satisfaire; c’est tout à fait normal. »

Le problème n’est pas tant qu’ils cherchent à voir de la pornographie; c’est plutôt qu’ils ne se rendent pas compte que ce qu’ils voient relève de la fiction et du divertissement pour adultes et que ça peut les amener à développer une vision erronée de la sexualité et des relations saines.

« Quand je regarde [de la pornographie], je me dis : “Oh, elle est probablement droguée. Ça doit faire mal. Ce n’est pas comme ça que ça se fait.” Mais [les enfants] s’imaginent que faire l’amour, avoir des rapports sexuels, c’est comme ça que ça se passe, parce qu’ils voient [de la pornographie] avant d’avoir leurs premières expériences sexuelles. Ils n’ont aucun regard critique sur la question », explique la Dre Kastbom.

Les enfants ont besoin qu’on leur apprenne à se protéger. On leur apprend à regarder des deux côtés avant de traverser une rue. On leur donne des consignes lorsqu’ils restent seuls à la maison. On doit faire la même chose avec la pornographie.

Noni Classen vous suggère d’interroger vos enfants avec curiosité. Quand les médias parlent de pornographie, profitez de l’occasion pour demander à vos enfants ce qu’ils pensent de tel article ou de tel reportage. Demandez-leur à quels endroits ils voient de la pornographie sur Internet. Demandez-leur ce que les adultes devraient apprendre aux enfants en matière de sexualité. Vous pourriez aussi inventer quelque chose; vos questions n’ont pas à se rapporter toujours à vos enfants.

« Peut-être qu’ils hausseront les épaules en disant “Je ne sais pas”, mais ce n’est pas tant leurs réponses qui comptent. Vos questions sèmeront des graines dans l’esprit de vos enfants et éveilleront leur esprit critique », signale Noni Classen, ajoutant que ces conversations n’ont pas à être longues; elles peuvent être brèves mais fréquentes. « L’idée est de normaliser ces discussions avec vos enfants pour mieux comprendre ce qui leur arrive sur Internet et comment vous pouvez les aider comme parents. »

Cela permet d’aller au-delà du discours selon lequel la pornographie, c’est tout simplement « mal », et d’expliquer POURQUOI la pornographie peut s’avérer nocive pour leur santé mentale, leur bien-être physique et leurs relations. Noni Classen propose d’attirer l’attention des enfants sur les points suivants :

  • La pornographie ne correspond pas à la réalité; elle met en scène des acteurs. Expliquez aux enfants que c’est comme dans les films d’action ou les séries télévisées. Le scénario, les interactions, le déroulement : tout est scénarisé. Dans la vraie vie, les choses ne se passent jamais comme ça.
  • La pornographie ne montre pas des « relations » saines. Le consentement est tenu pour acquis; tout le monde est toujours partant et personne ne dit jamais « non ». On peut bien sûr dénoncer l’abondance de scènes de violence pure et simple, mais la pornographie comporte aussi des subtilités – comme le manque d’intimité – qui viennent brouiller l’idée qu’on se fait d’une relation saine.
  • La pornographie renforce des stéréotypes nuisibles : les hommes sont présentés comme les agresseurs et les dominateurs, tandis que les femmes servent à satisfaire tous les désirs des hommes. Les garçons en viennent souvent à penser qu’ils doivent se livrer à certains actes, tandis que les filles se sentent obligées de s’y soumettre. Ils n’ont pas nécessairement ENVIE de faire ces choses-là, mais ils s’imaginent que c’est ce qu’ils DOIVENT faire.
  • Pour le corps comme pour l’esprit, la pornographie n’est pas quelque chose de sain à regarder. Un article scientifique paru en 2014 dans la revue JAMA Psychiatry établit un lien entre la consommation de pornographie et une diminution du volume cérébral dans certaines zones, comparable à celle que l’on observe chez les personnes présentant une dépendance à la cocaïne, à l’alcool ou aux méthamphétamines.1

La Dre Kastbom indique par ailleurs que, dans sa pratique, elle voit des adolescents qui utilisent la pornographie comme un raccourci vers la satisfaction instantanée ou un moyen de réguler leur humeur (combattre le stress, l’anxiété, la dépression) au lieu de s’attaquer aux véritables causes de leurs problèmes.

Elle observe aussi que l’impotence touche de plus en plus d’ados, un constat qui trouvera sans doute un écho particulier chez les garçons. « Ils n’arrivent pas à performer dans la vraie vie parce qu’ils ont besoin d’images explicites; avoir des relations sexuelles normales ne suffit pas pour les exciter. »

Noni Classen propose une solution de rechange : laisser traîner mine de rien des livres adaptés ou diriger vos enfants vers des vidéos qui traitent de sexualité saine. « Et tâchez d’être disponible pour répondre sans jugement à leurs questions, ajoute-t-elle. C’est vrai que c’est gênant, mais il n’y a personne de mieux placé que vous pour discuter de ces questions avec vos enfants. »

Le CCPE met à la disposition des adolescents et des familles des ressources gratuites qui traitent de sujets comme les limites, le consentement sexuel, les stéréotypes et les comportements sains et malsains dans les relations. Cliquez protegeonsnosenfants.ca/commander pour les télécharger ou voyez notre série de vidéos sur les relations saines.